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La Peine des Morts

Published 15 years ago
10mn to read
  • On doit vraiment rentrer lĂ -dedans Richard ? Tu sais ce que je veux dire…on doit vraiment faire ça quoi ?
  • Putain Edgar, tu me casses les couilles lĂ , combien de fois je te l’ai dit ? C’est pas comme si on avait le choix, c’est tout, alors ta gueule.

Edgar baissa la tête pour éviter de croiser le regard méchant de Richard. Il savait bien que, non, ils n’avaient pas le choix. Du moins ils pouvaient partir maintenant, et passer le reste de leur vie en prison, mais Richard n’accepterait jamais ça. Il avait raison, Mme Harper devait mourir ce soir, c’est comme ça que ça marchait ici, « les balances crèvent dans leur sommeil » disait Richard.

Une fois la porte arrière forcée, ils rentrèrent dans la maison de Mme Harper. Dedans ça sentait le renfermé, le froid, ça sentait la mort.

Richard fit un tour rapide de l’étage pendant qu’Edgar s’attardait sur les photos posées en évidence sur le buffet du salon. Les fameuses photos compromettantes d’eux deux en train de battre à mort un homme à terre, jusqu’à ce qu’il crache son dernier souffle au milieu d’une gerbe de sang. Edgar les prit dans ses mains et les froissa instinctivement, une preuve en moins c’est toujours ça de gagné.

Richard arriva par derrière et le secoua violemment par l’épaule. « Mais bordel qu’est ce que tu branles connard ? Elle va pas pioncer toute sa vie la vieille ! » lâcha t-il avant de repartir vers l’escalier du premier étage.

Il avait les yeux noirs, pas à cause de l’obscurité ou de la nuit, mais parce que c’était comme ça qu’il était. C’était une sorte de bonbonne de haine sombre, méchante avec tout le monde, qui n’attendait que d’exploser pour la libérer sur la planète entière comme une maladie virale. Une sorte de boite de Pandore qui n’attendait que le moment où on l'ouvrirait.

Mme Harper se retourna dans son lit, rien ne semblait anormal. Elle sentit quelque chose de froid sous sa gorge. Une voix lointaine dans sa chambre compta jusqu’à trois et elle tomba à genoux dans son rêve. Un air froid lui parcourait la trachée et quelque chose de chaud lui coulait le long de la gorge.

Edgar s’écroula dans un coin de la pièce. Ses doigts désormais vidés d’une quelconque force lâchèrent le cran d’arrêt et il fondit en larmes.

Mme Harper se releva soudainement et hurla du plus fort qu’elle le put tout en passant ses doigts dans l’énorme entaille de son cou qui s’ouvrait et se fermait. Richard fit volte-face vers elle en hurlant « Elle s’est réveillée cette pétasse, file-moi le couteau connard ! Bouges ton cul ! ». Edgar n’en fit rien, alors il se précipita vers lui et lui donna un violent coup de pied dans le ventre tout en prenant la lame au sol. Il sauta sur le lit et asséna un coup de poing sec à la vieille Mme Harper qui s’évanouit.

Edgar n’osait regarder devant lui, il avait du mal à respirer, entre deux jets d’air il apercevait Richard qui poignardait avec hargne la vieille Mme Harper, faisant des allés et retours, la poignardant encore et encore, et encore.

Nous étions le 17 décembre 2007 au soir lorsque la police arriva sur les lieux tomba nez à nez avec Richard, couteau ensanglanté à la main, et Edgar, tâtant son cou avec ses mains. Ils furent incarcérés le 18 au petit matin, l’aube fut la dernière chose joyeuse qu’ils allaient voir de leur vie.

27 février, Richard se releva de sa couche et contempla sa cellule vide. « Demain c’est le grand jour ma couille. » lui avait jeté Reiser la veille. « Le grand jour ». Un garde vint taper aux barreaux de sa cellule. C’était l’heure, il ferma les yeux, et se laissa guider.

Ses poignets flottaient un peu dans les froides menottes qui maintenaient ses bras dans une position inconfortable. De temps en temps il ré-ouvrait les yeux pour voir si Edgar n’était pas là, dans une cellule, à lui dire au revoir. Où pouvait-il bien être à cette heure ci ? Il avait été entraîné dans les violences des rues si jeune, il était si innocent, peut-être était-il déjà dehors.

Richard avait encore le goût du dernier repas de sa vie en bouche lorsque ses pieds butèrent contre une chaise. On le força à s’asseoir, mais il ne voulait pas lui, à ce moment là il aurait bien étranglé à mort les deux gardes qui riaient de lui dans son dos.

Les sangles étaient serrés, on lui mit le dernier « casque » de sa vie sur la tête. Le garde de gauche lui jeta « Alors la teigne, une dernière volonté ? ». Richard ne pouvait pas tourner la tête, mais s’il aurait pu la méchanceté de son regard aurait tué le garde sur-le-champ. « Je souhaite qu’on tue le mec qui va me tuer, je veux qu’on tue les tueurs. Je veux que vous creviez tous. »

La famille de Mme Harper regardait la scène attentivement, l’homme aux commandes mit sa main sur la poignée, actionna la machine. Richard se sentit partir aux Enfers en petits morceaux, ses yeux remuaient dans leurs orbites, c’était comme avoir des fourmis dans les jambes. Des grosses fourmis rouges d’Afrique qui tentaient de vous trouer la peau pour vous manger, et qui tiraient vos yeux pour s'en servir d'amuses-gueule. Les yeux sont la meilleure partie.

Le garde resta ébahi devant la mise à mort de Richard, restant hypnotisé en voyant les yeux noirs de Richard couler des larmes de haine.

Edgar se releva dans le lit de son appartement. Il fonça vers la fenêtre, le ciel s’assombrissait. Les gens marchaient sans se soucier de rien. Il prit une chaise et s’assit, regardant la rue en bas de chez lui, Richard était mort, ça y est.

Une voiture arriva à pleine vitesse et s’écrasa contre un poteau électrique. Edgar dévala les escaliers pour aller voir de plus près. Quand il arriva en bas il vit une masse de gens entassés au lieu de l’accident. Une jeune fille était apparemment à l'arrière de la voiture, la tête écrasée et enfoncée dans le siège avant. Triste mort.

Edgar posa sa main sur l'épaule d’une personne, elle se retourna instantanément et le frappa dans le ventre. Quand Edgar fut à terre une dizaine de personne se retournèrent vers lui et lui sautèrent dessus. Certaines tentaient de lui arracher les doigts, d’autres se contentaient de lui frapper le visage encore et encore. Il apercevait deux personnes en train de dépecer l’homme qui dépassait de sa voiture par la fenêtre avec un couteau de cuisine.

Tout ces gens avaient une pupille démesurément dilatée, rendant leurs yeux compléments noirs de haine. Tout ne venait que de commencer, la boite de Richard avait été ouverte.

Edgar s'échappa pendant que les "monstres" se jetaient sur trois personnes qui traînaient dans une ruelle. "La troisième cachette est toujours la bonne" lui avait enseigné Richard dans sa jeunesse. Aujourd'hui, la troisième cachette était un hôtel, "The Stars". Il entra, prit une clé sur le tableau et fonça vers l'ascenseur. Les portes s'ouvrirent, il entra et appuya sur "3". La nuit allait tomber, une nuit noire qui s'annonçait très longue.

Edgar s'étira un peu, il avait bien dormi dans sa chambre d'hôtel. En passant devant le calendrier il se saisit du feutre et barra "2013" pour y inscrire "2014". Non, le feutre ne marchait plus. Pas très grave, il en trouverait un autre en ville. Les couloirs du Stars étaient silencieux, il descendit au premier étage, et se dirigea vers les cuisines. Quel plat allait-il se préparer aujourd'hui, il faut dire que le gros barman qu'il avait dévoré au réveillon la veille était succulent et il n'avait pas encore vraiment faim, non, il mangerait plus tard. Le plus important était le feutre, ne pas perdre la notion du temps, continuer à marquer les jours, les mois et les années.

Il regarda par la fenêtre, ce qui restait de la ville était éclairé par le soleil du matin. C'était une belle journée, même l'odeur des cadavres entassés dans la salle de bal devenait agréable, cette odeur de chair saignante, Edgar se lécha les lèvres en pensant au repas du soir. Il avait aussi envie de sexe mais pour ça il n'y avait pas de problèmes, il avait repéré une petite hôtesse dans un avion écrasé à quelques rues d'ici. Il suffira de lui enlever la tête qui était un peu amochée et elle sera comme neuve.

Il saisit la hache d'incendie qui était accrochée à son emplacement habituel, tachée de sang tellement sec qu'il se détachait en petites plaques, et il sortit dehors.

Trouver des habits, les siens commençaient à se faire vieux, et ça lui ferait un "cadeau" du nouvel an. Marchant entre les corps mutilés des habitants et des autres "Haineux" qui étaient venus d'un peu partout, Edgar scrutait leurs vêtements pour voir s’il en trouvait des plaisants.

Une ombre s'éleva au sol, le temps qu'Edgar relève la tête le grand Haineux lui avait planté sa barre à mine dans les jambes. Edgar souleva la hache et coupa net le crane de l'homme au niveau des yeux. Il retira la barre à mine qui s'était plantée dans ses protections en fer, et la jeta au loin. L'homme lui ressemblait étrangement. C'était la première fois en sept ans qu'Edgar se demandait ce qui le différenciait des Haineux.

Il se mit à genoux pour l'observer de plus près, ses vêtements étaient chouettes, il les prit. Avant de partir, il lui massacra quand même la tête à coups de hache, par plaisir. Puis quand il eut fini, il se remit au travail, il fallait aller chercher l'hôtesse.

Les rues étaient particulièrement silencieuses aujourd’hui, si douces. Quand il vit l'avion écrasé, il ne put s'empêcher de se souvenir que c'était dans ce quartier que vivait Mme Harper, puis l'idée s'estompa quand il vit l'hôtesse. Il donna un coup de hache sur sa tête pour la faire sauter comme on ferait sauter un bouchon de champagne. "Ça c'est fait", il la prit par les jambes en admirant ses cuisses à peine entaillées et commença à la traîner au sol pour la ramener à l'hôtel. La cote cassée qui ressortait de son abdomen se raccrochait un peu contre le goudron mais aucune importance, ce n'était pas la partie qu'Edgar comptait "utiliser".

Quand Edgar arriva devant le Stars, il y avait un Haineux devant l'entrée. Il s'était enlevé la peau du visage, et les yeux aussi. Les formes de son crane étaient apparentes sous sa maigre chaire. Edgar lâcha l'hôtesse à terre et prit la hache accrochée dans son dos. Il commença à foncer vers lui, puis s'arrêta. Le Haineux était beaucoup trop maigre, et les yeux au bout de cures-dents, c'étaient les meilleurs morceaux, à quoi bon le tuer. Egard passa à coté et c'est à peine si le Haineux le remarqua.

Edgar déposa l'hôtesse sur le lit, se déshabilla et s'allongea dessus, la journée ne faisait que de commencer.

La nuit était tombée, Edgar dormait profondément sur l'hôtesse nue, laissant apparentes les lacérations dues à l'accident, chose qui excitait Edgar plus que tout.

Quelque chose le réveilla, un cauchemar sans doute. Il s'assit sur son lit et regarda la lune par la fenêtre. Il savait très bien que le Haineux sans visage se tenait derrière lui avec dans les mains, la hache qu'il avait laissé à son attention sur le comptoir. "Enfin, tu es là." murmura il dans la plénitude du silence. L'ombre du Haineux s'agrandissait, il s'approchait.

Edgar sentit quelque chose de froid à l'arrière de son cou. "Tu m'épates Edgar, je savais depuis toujours que tu étais fait pour la rue." prononça ce qui restait de Richard. "Merci" rétorqua-il avec amertume. Puis Richard continua : "Mais tu sais, tu m'as balancé aux poulets pour qu'ils te laissent te casser, c'est pas bien ça ma caille.", la hache parut s'enfoncer délicatement dans le cou d'Edgar. "Dors jeune con, les balances crèvent dans leur sommeil, tu le sais bien.".

Edgar s'allongea sur le lit, regard vers le plafond, et ferma les yeux. Le pire, c'est qu'il ne dormirait même pas vraiment quand ça arrivera. Il repensa une dernière fois à "Comment Richard avait-il pu survivre ?", sans trouver de réponse. Le son du vent coupé par la hache descendante n'atteignit les oreilles d'Edgar qu'après que sa tête se soit détachée. La seconde chose la plus horrible dans ces cas là, c'est que le temps que le sang s'écoule entièrement de la tête, le cerveau fonctionne encore quelques instants. Edgar ouvrit les yeux, se voyant rouler au sol. Il entendit le bruit de la hache tomber à terre, "Tout est fini désormais" entendit-il dans un monde lointain, très lointain.

En ce moment même Edgar était au milieu de nulle part, il ne voyait rien car quelque chose lui cachait la vue. Au moment où il allait s'endormir, quelque chose de dur frappa son corps. Ses yeux s'ouvrirent rapidement, Richard venait de lui donner un coup de pied. Il se tenait devant lui, en l'agitait par les épaules. "Mais putain réveilles toi ! Les keufs vont pas tarder à arriver, connard.".

Ils partirent de la chambre de Mme Harper, la police les attendait en bas, comme la première fois. Edgar se tata le cou pour vérifier que tout était bien vrai.

L'inspecteur passa les menottes à Richard puis à lui. On allait les mettre dans deux voitures séparées et tout recommencerait peut être. A croire que le temps était simplement revenu en arrière, que ce n'était peut être qu'un mauvais rêve, ou peut-être que quelqu'un avait refermé la boite.

Edgar regarda une dernière fois Richard, celui-ci se retourna et avant qu'on ne le rentre dans la voiture de police, il lança "Ne me déçois pas cette fois, Edgar, pas deux fois.". Quand Edgar fut dans la voiture il réfléchit à cette phrase, ce n'était pas un mauvais rêve, on avait vraiment refermé la boite. Cette fois Edgar ne le balancerait pas, il ne faut pas que ça recommence.

Une détonation retentit, Edgar se retourna tant bien que mal ce qui lui provoqua une horrible douleur au dos. Il vit un policier, arme à la main, et le corps inanimé de Richard étendu au sol. Edgar préféra fermer les yeux, et oublier qu'une simple bavure policière avait fait sauter le loquet de la boite de Richard.

Il y a des choses qui changent, et il y a des choses qui sont inévitables.

La voiture de police roula quelques instants, par la fenêtre, le ciel du petit matin s'assombrissait déjà. Le conducteur fut prit de convulsions et se mit à hurler, il lâcha le volant.

Nous étions le 18 décembre lorsque la voiture de police s'écrasa contre un poteau électrique. La tête d'Edgar fut projetée violemment et s'écrasa contre le siège avant, puis s'y enfonça doucement.

Triste mort.

© 2020 - Emma Fabre - About

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  • On doit vraiment rentrer lĂ -dedans Richard ? Tu sais ce que je veux dire…on doit vraiment faire ça quoi ?
  • Putain Edgar, tu me casses les couilles lĂ , combien de fois je te l’ai dit ? C’est pas comme si on avait le choix, c’est tout, alors ta gueule.

Edgar baissa la tête pour éviter de croiser le regard méchant de Richard. Il savait bien que, non, ils n’avaient pas le choix. Du moins ils pouvaient partir maintenant, et passer le reste de leur vie en prison, mais Richard n’accepterait jamais ça. Il avait raison, Mme Harper devait mourir ce soir, c’est comme ça que ça marchait ici, « les balances crèvent dans leur sommeil » disait Richard.

Une fois la porte arrière forcée, ils rentrèrent dans la maison de Mme Harper. Dedans ça sentait le renfermé, le froid, ça sentait la mort.

Richard fit un tour rapide de l’étage pendant qu’Edgar s’attardait sur les photos posées en évidence sur le buffet du salon. Les fameuses photos compromettantes d’eux deux en train de battre à mort un homme à terre, jusqu’à ce qu’il crache son dernier souffle au milieu d’une gerbe de sang. Edgar les prit dans ses mains et les froissa instinctivement, une preuve en moins c’est toujours ça de gagné.

Richard arriva par derrière et le secoua violemment par l’épaule. « Mais bordel qu’est ce que tu branles connard ? Elle va pas pioncer toute sa vie la vieille ! » lâcha t-il avant de repartir vers l’escalier du premier étage.

Il avait les yeux noirs, pas à cause de l’obscurité ou de la nuit, mais parce que c’était comme ça qu’il était. C’était une sorte de bonbonne de haine sombre, méchante avec tout le monde, qui n’attendait que d’exploser pour la libérer sur la planète entière comme une maladie virale. Une sorte de boite de Pandore qui n’attendait que le moment où on l'ouvrirait.

Mme Harper se retourna dans son lit, rien ne semblait anormal. Elle sentit quelque chose de froid sous sa gorge. Une voix lointaine dans sa chambre compta jusqu’à trois et elle tomba à genoux dans son rêve. Un air froid lui parcourait la trachée et quelque chose de chaud lui coulait le long de la gorge.

Edgar s’écroula dans un coin de la pièce. Ses doigts désormais vidés d’une quelconque force lâchèrent le cran d’arrêt et il fondit en larmes.

Mme Harper se releva soudainement et hurla du plus fort qu’elle le put tout en passant ses doigts dans l’énorme entaille de son cou qui s’ouvrait et se fermait. Richard fit volte-face vers elle en hurlant « Elle s’est réveillée cette pétasse, file-moi le couteau connard ! Bouges ton cul ! ». Edgar n’en fit rien, alors il se précipita vers lui et lui donna un violent coup de pied dans le ventre tout en prenant la lame au sol. Il sauta sur le lit et asséna un coup de poing sec à la vieille Mme Harper qui s’évanouit.

Edgar n’osait regarder devant lui, il avait du mal à respirer, entre deux jets d’air il apercevait Richard qui poignardait avec hargne la vieille Mme Harper, faisant des allés et retours, la poignardant encore et encore, et encore.

Nous étions le 17 décembre 2007 au soir lorsque la police arriva sur les lieux tomba nez à nez avec Richard, couteau ensanglanté à la main, et Edgar, tâtant son cou avec ses mains. Ils furent incarcérés le 18 au petit matin, l’aube fut la dernière chose joyeuse qu’ils allaient voir de leur vie.

27 février, Richard se releva de sa couche et contempla sa cellule vide. « Demain c’est le grand jour ma couille. » lui avait jeté Reiser la veille. « Le grand jour ». Un garde vint taper aux barreaux de sa cellule. C’était l’heure, il ferma les yeux, et se laissa guider.

Ses poignets flottaient un peu dans les froides menottes qui maintenaient ses bras dans une position inconfortable. De temps en temps il ré-ouvrait les yeux pour voir si Edgar n’était pas là, dans une cellule, à lui dire au revoir. Où pouvait-il bien être à cette heure ci ? Il avait été entraîné dans les violences des rues si jeune, il était si innocent, peut-être était-il déjà dehors.

Richard avait encore le goût du dernier repas de sa vie en bouche lorsque ses pieds butèrent contre une chaise. On le força à s’asseoir, mais il ne voulait pas lui, à ce moment là il aurait bien étranglé à mort les deux gardes qui riaient de lui dans son dos.

Les sangles étaient serrés, on lui mit le dernier « casque » de sa vie sur la tête. Le garde de gauche lui jeta « Alors la teigne, une dernière volonté ? ». Richard ne pouvait pas tourner la tête, mais s’il aurait pu la méchanceté de son regard aurait tué le garde sur-le-champ. « Je souhaite qu’on tue le mec qui va me tuer, je veux qu’on tue les tueurs. Je veux que vous creviez tous. »

La famille de Mme Harper regardait la scène attentivement, l’homme aux commandes mit sa main sur la poignée, actionna la machine. Richard se sentit partir aux Enfers en petits morceaux, ses yeux remuaient dans leurs orbites, c’était comme avoir des fourmis dans les jambes. Des grosses fourmis rouges d’Afrique qui tentaient de vous trouer la peau pour vous manger, et qui tiraient vos yeux pour s'en servir d'amuses-gueule. Les yeux sont la meilleure partie.

Le garde resta ébahi devant la mise à mort de Richard, restant hypnotisé en voyant les yeux noirs de Richard couler des larmes de haine.

Edgar se releva dans le lit de son appartement. Il fonça vers la fenêtre, le ciel s’assombrissait. Les gens marchaient sans se soucier de rien. Il prit une chaise et s’assit, regardant la rue en bas de chez lui, Richard était mort, ça y est.

Une voiture arriva à pleine vitesse et s’écrasa contre un poteau électrique. Edgar dévala les escaliers pour aller voir de plus près. Quand il arriva en bas il vit une masse de gens entassés au lieu de l’accident. Une jeune fille était apparemment à l'arrière de la voiture, la tête écrasée et enfoncée dans le siège avant. Triste mort.

Edgar posa sa main sur l'épaule d’une personne, elle se retourna instantanément et le frappa dans le ventre. Quand Edgar fut à terre une dizaine de personne se retournèrent vers lui et lui sautèrent dessus. Certaines tentaient de lui arracher les doigts, d’autres se contentaient de lui frapper le visage encore et encore. Il apercevait deux personnes en train de dépecer l’homme qui dépassait de sa voiture par la fenêtre avec un couteau de cuisine.

Tout ces gens avaient une pupille démesurément dilatée, rendant leurs yeux compléments noirs de haine. Tout ne venait que de commencer, la boite de Richard avait été ouverte.

Edgar s'échappa pendant que les "monstres" se jetaient sur trois personnes qui traînaient dans une ruelle. "La troisième cachette est toujours la bonne" lui avait enseigné Richard dans sa jeunesse. Aujourd'hui, la troisième cachette était un hôtel, "The Stars". Il entra, prit une clé sur le tableau et fonça vers l'ascenseur. Les portes s'ouvrirent, il entra et appuya sur "3". La nuit allait tomber, une nuit noire qui s'annonçait très longue.

Edgar s'étira un peu, il avait bien dormi dans sa chambre d'hôtel. En passant devant le calendrier il se saisit du feutre et barra "2013" pour y inscrire "2014". Non, le feutre ne marchait plus. Pas très grave, il en trouverait un autre en ville. Les couloirs du Stars étaient silencieux, il descendit au premier étage, et se dirigea vers les cuisines. Quel plat allait-il se préparer aujourd'hui, il faut dire que le gros barman qu'il avait dévoré au réveillon la veille était succulent et il n'avait pas encore vraiment faim, non, il mangerait plus tard. Le plus important était le feutre, ne pas perdre la notion du temps, continuer à marquer les jours, les mois et les années.

Il regarda par la fenêtre, ce qui restait de la ville était éclairé par le soleil du matin. C'était une belle journée, même l'odeur des cadavres entassés dans la salle de bal devenait agréable, cette odeur de chair saignante, Edgar se lécha les lèvres en pensant au repas du soir. Il avait aussi envie de sexe mais pour ça il n'y avait pas de problèmes, il avait repéré une petite hôtesse dans un avion écrasé à quelques rues d'ici. Il suffira de lui enlever la tête qui était un peu amochée et elle sera comme neuve.

Il saisit la hache d'incendie qui était accrochée à son emplacement habituel, tachée de sang tellement sec qu'il se détachait en petites plaques, et il sortit dehors.

Trouver des habits, les siens commençaient à se faire vieux, et ça lui ferait un "cadeau" du nouvel an. Marchant entre les corps mutilés des habitants et des autres "Haineux" qui étaient venus d'un peu partout, Edgar scrutait leurs vêtements pour voir s’il en trouvait des plaisants.

Une ombre s'éleva au sol, le temps qu'Edgar relève la tête le grand Haineux lui avait planté sa barre à mine dans les jambes. Edgar souleva la hache et coupa net le crane de l'homme au niveau des yeux. Il retira la barre à mine qui s'était plantée dans ses protections en fer, et la jeta au loin. L'homme lui ressemblait étrangement. C'était la première fois en sept ans qu'Edgar se demandait ce qui le différenciait des Haineux.

Il se mit à genoux pour l'observer de plus près, ses vêtements étaient chouettes, il les prit. Avant de partir, il lui massacra quand même la tête à coups de hache, par plaisir. Puis quand il eut fini, il se remit au travail, il fallait aller chercher l'hôtesse.

Les rues étaient particulièrement silencieuses aujourd’hui, si douces. Quand il vit l'avion écrasé, il ne put s'empêcher de se souvenir que c'était dans ce quartier que vivait Mme Harper, puis l'idée s'estompa quand il vit l'hôtesse. Il donna un coup de hache sur sa tête pour la faire sauter comme on ferait sauter un bouchon de champagne. "Ça c'est fait", il la prit par les jambes en admirant ses cuisses à peine entaillées et commença à la traîner au sol pour la ramener à l'hôtel. La cote cassée qui ressortait de son abdomen se raccrochait un peu contre le goudron mais aucune importance, ce n'était pas la partie qu'Edgar comptait "utiliser".

Quand Edgar arriva devant le Stars, il y avait un Haineux devant l'entrée. Il s'était enlevé la peau du visage, et les yeux aussi. Les formes de son crane étaient apparentes sous sa maigre chaire. Edgar lâcha l'hôtesse à terre et prit la hache accrochée dans son dos. Il commença à foncer vers lui, puis s'arrêta. Le Haineux était beaucoup trop maigre, et les yeux au bout de cures-dents, c'étaient les meilleurs morceaux, à quoi bon le tuer. Egard passa à coté et c'est à peine si le Haineux le remarqua.

Edgar déposa l'hôtesse sur le lit, se déshabilla et s'allongea dessus, la journée ne faisait que de commencer.

La nuit était tombée, Edgar dormait profondément sur l'hôtesse nue, laissant apparentes les lacérations dues à l'accident, chose qui excitait Edgar plus que tout.

Quelque chose le réveilla, un cauchemar sans doute. Il s'assit sur son lit et regarda la lune par la fenêtre. Il savait très bien que le Haineux sans visage se tenait derrière lui avec dans les mains, la hache qu'il avait laissé à son attention sur le comptoir. "Enfin, tu es là." murmura il dans la plénitude du silence. L'ombre du Haineux s'agrandissait, il s'approchait.

Edgar sentit quelque chose de froid à l'arrière de son cou. "Tu m'épates Edgar, je savais depuis toujours que tu étais fait pour la rue." prononça ce qui restait de Richard. "Merci" rétorqua-il avec amertume. Puis Richard continua : "Mais tu sais, tu m'as balancé aux poulets pour qu'ils te laissent te casser, c'est pas bien ça ma caille.", la hache parut s'enfoncer délicatement dans le cou d'Edgar. "Dors jeune con, les balances crèvent dans leur sommeil, tu le sais bien.".

Edgar s'allongea sur le lit, regard vers le plafond, et ferma les yeux. Le pire, c'est qu'il ne dormirait même pas vraiment quand ça arrivera. Il repensa une dernière fois à "Comment Richard avait-il pu survivre ?", sans trouver de réponse. Le son du vent coupé par la hache descendante n'atteignit les oreilles d'Edgar qu'après que sa tête se soit détachée. La seconde chose la plus horrible dans ces cas là, c'est que le temps que le sang s'écoule entièrement de la tête, le cerveau fonctionne encore quelques instants. Edgar ouvrit les yeux, se voyant rouler au sol. Il entendit le bruit de la hache tomber à terre, "Tout est fini désormais" entendit-il dans un monde lointain, très lointain.

En ce moment même Edgar était au milieu de nulle part, il ne voyait rien car quelque chose lui cachait la vue. Au moment où il allait s'endormir, quelque chose de dur frappa son corps. Ses yeux s'ouvrirent rapidement, Richard venait de lui donner un coup de pied. Il se tenait devant lui, en l'agitait par les épaules. "Mais putain réveilles toi ! Les keufs vont pas tarder à arriver, connard.".

Ils partirent de la chambre de Mme Harper, la police les attendait en bas, comme la première fois. Edgar se tata le cou pour vérifier que tout était bien vrai.

L'inspecteur passa les menottes à Richard puis à lui. On allait les mettre dans deux voitures séparées et tout recommencerait peut être. A croire que le temps était simplement revenu en arrière, que ce n'était peut être qu'un mauvais rêve, ou peut-être que quelqu'un avait refermé la boite.

Edgar regarda une dernière fois Richard, celui-ci se retourna et avant qu'on ne le rentre dans la voiture de police, il lança "Ne me déçois pas cette fois, Edgar, pas deux fois.". Quand Edgar fut dans la voiture il réfléchit à cette phrase, ce n'était pas un mauvais rêve, on avait vraiment refermé la boite. Cette fois Edgar ne le balancerait pas, il ne faut pas que ça recommence.

Une détonation retentit, Edgar se retourna tant bien que mal ce qui lui provoqua une horrible douleur au dos. Il vit un policier, arme à la main, et le corps inanimé de Richard étendu au sol. Edgar préféra fermer les yeux, et oublier qu'une simple bavure policière avait fait sauter le loquet de la boite de Richard.

Il y a des choses qui changent, et il y a des choses qui sont inévitables.

La voiture de police roula quelques instants, par la fenêtre, le ciel du petit matin s'assombrissait déjà. Le conducteur fut prit de convulsions et se mit à hurler, il lâcha le volant.

Nous étions le 18 décembre lorsque la voiture de police s'écrasa contre un poteau électrique. La tête d'Edgar fut projetée violemment et s'écrasa contre le siège avant, puis s'y enfonça doucement.

Triste mort.

© 2020 - Emma Fabre - About