Autopergamene
Fight Club
article🇫🇷 françaisPublished 2006-08-28TVReview4mn to read

Il faut rendre à Fincher ce qui est à Fincher : quand il s’agit de s’investir pour faire un film qui marquera les gens, il sait y faire. Rappelez-vous, Seven, c’était déjà lui. Et cette fois-ci encore, nous retrouvons à nouveau Brad Pitt à ses côtés. Et pourtant, pourtant ce n’est pas lui la vedette de Fight Club. La vedette, c’est cet homme sans nom incarné par Edward Norton.
Si cet homme n’a pas de nom, c’est avant tout car cet homme c’est vous et moi. Sage mouton dans le troupeau de la société, faisant son travail, et avec son argent, consommant pour s’acheter des biens dont il ne se sert, au final, jamais. Cet homme, qui joue tant le personnage principal, que le narrateur nous décrivant le film de sa voix lassé. Malheureusement, depuis peu cet homme a de terribles insomnies. “Jamais vraiment éveillé, jamais vraiment endormi”. Se réveillant parfois dans des endroits qui lui sont inconnus. Le seul remède qu’il trouva alors, c’est les groupes. Des gens atteints de cancers, de tumeurs; des gens à deux pas de la mort qui pleurent pour se soulager. Et ce sont ces pleurs qui donnent à cet homme le sommeil. Pour une raison qu’il ne comprend pas, certes, pleurer fait fuire ses insomnies. Cet homme rencontrera plusieurs personnes dans ces groupes. Tant Bob, homme ayant des seins à cause d’un dérèglement hormonal; que Marla, femme étrange qui joue le jeu comme cet homme et se fait passer pour mourante. Bien que ne sachant ce qu’elle en tire, il nouera peu à peu des liens avec elle. Non pas des liens amoureux comme le voudrait tout bon film, mais des liens de haine. “Si j’avais vraiment une tumeur, je la nommerai Marla.”.
Et un jour, dans un avion quelconque, cet homme rencontre Tyler Durden. Avec qui il fait la connaissance rapidement. Alors, forcément, lorsque l’appartement du personnage principal prend feu pour une raison inconnue, c’est la première personne vers laquelle il se tourne pour loger. Et en apprenant à connaître Tyler, le personnage principal va découvrir un monde qui grouillait sous ses pieds, et dans lequel il apprendra à vivre. Un monde où l’on achète rien, où le confort s’en est allé, dans cette vieille maison qui tombe en ruines. Un monde à des lieues d’une pseudo-société, situé dans les bas-fonds, et qui n’a pour vision des choses que la simple vérité sans les enjolivements qui sont habituellement desservis. Ce monde, c’est le monde de Tyler Durden. “Vous êtes la merde prête à servir à tout. […] Des sous-produits d’un mode de vie devenu une obsession.”.
Et peu à peu, Tyler et le personnage vont former une sorte de club. Un club dont le seul but est de se battre, sans raison. Simplement pour “changer”. Devenir autre chose que ce qu’ils étaient avant. Rouvrir les yeux sous l’eau et s’habituer à voir le monde tel qu’il est, même si ça brûle les yeux. Ce club, c’est le Fight Club. “Les personnes que nous étions au Fight Club, n’étaient pas celles que nous étions dans la vraie vie.” Un club qui va vite grandir, prendre de l’ampleur. Bientôt il deviendra impossible de marcher dans la rue dans en croiser les membres. Les membres d’une société secrète dont les deux premières règles sont simples : “1- Il est interdit de parler du Fight Club. 2- Il est INTERDIT de parler du Fight Club.”. Une société secrète montrant du doigt la Grande Société Moderne, en haut de sa tour de Pise. Et bientôt, tous les membres vont devenir l’égal de ses deux fondateurs. Voyant le monde tel qu’il est. Et n’ayant plus qu’une envie : détruire cette autre société mourante. En exploser les symboles; et en reformer les membres.
Mais jusqu’où le Fight Club pourra aller; un club de lutte clandestine, non pas entre ses membres, mais contre le monde moderne ? Jusqu’où Tyler Durden poussera les limites de ce Plan Chaos ? Peut-être trop loin… et peut-être le personnage principal ne s’en rendra compte que trop tard.
Il est inutile de raconter autre chose du film, les sous-intrigues, les phrases si lourdes de sens sous des airs innocents et tout ce qui suit; tellement tout ceci est puissant. La narration du personnage est captivante, tant sa manière de raconter reflète un monde dont il n’en peut plus, à un point inimaginable. Fight Club se démarque non seulement par son histoire exceptionnelle, dont le retournement final est tant surprenant que génial. Mais aussi par une critique de la société qui n’est pas cachée comme ça pourrait l’être dans d’autres films (la trilogie des morts-vivants de George Romero). Ce serait comme passer des critiques détournées d’un La Fontaine, à une lettre ouverte en première page décrivant les maux du monde moderne. Avec des mots crus et des scènes chocs, comme on en voit partout en bas de chez-soi.
En visionnant Fight Club, on se rend compte petit à petit que, nous aussi, nous sommes de simples moutons qu’on mène en bateau gentiment, alors que tout se passe sous l’eau. Les personnages passent les deux heures du film à vivre dans un taudis sans eau propre et bien filtrée, à l’électricité vacillante, quasiment sans meubles, sans attaches. Une maison sans adresse réelle, pour des personnages qui s’effaceront peu à peu de notre monde à nous. Fight Club est le genre de film qui nous donne envie de tout jeter par la fenêtre.
L’ambiance du film est magnifique, la narration est magnifique, l’histoire est magnifique, les acteurs sont magnifiques, la photographie est magnifique… Bref, Fight Club est un chef d’oeuvre, sans grandes longueurs ou point noir gênant. A par peut-être le-dit retournement final, durant lequel il faut être bien accroché pour ne pas être soudainement perdu. Film peut-être trop ignoré par des gens se disant “Encore un film de combat”, ou autre. Mais Fight Club, c’est le combat de tous les jours. Le combat d’eux, de vous ou de moi. Oui, vous. Il est tard, sortez dehors. Voyez ces gens courir partout pour faire “des travails qu’on déteste”. “Fight Club”, c’est simplement se dire “Moi, je ne serai plus jamais comme eux”.