Autopergamene
Freeway
article🇫🇷 françaisPublished 2006-11-05TVReview3mn to read

On n’aurait pu rêver d’une vie plus pathétique que celle de Vanessa Lutz. Jeune adolescente de seize ans, illettrée; d’un père mort et d’une mère prostituée et droguée, s’étant remariée avec un ex-taulard drogué en liberté conditionnelle aux tendances pédophiles : Larry. Reste son fiancé, Chopper, qui l’aide à vivre dans ces bas quartiers.
Mais un jour tout bascule, lorsque la mère de Vanessa est arrêtée, et que de fil en aiguilles la police remonte jusqu’à sa maison et arrête Larry par la même occasion. L’assistante sociale arrive alors pour replacer Vanessa dans une famille d’accueil comme cela avait été le cas il y a quelques années. Sauf que Vanessa ne l’entend pas de cette oreille, pas du tout. Elle menotte l’assistante à un pied de lit et se saisit de la voiture de sa mère. Faisant de brefs adieux à Chopper, panier de provisions à la main, la jeune Vanessa s’en va alors le long de la longue autoroute A5 qui mène à la maison de sa grand-mère en Californie. Mais dans les recoins sombre de l’autoroute, sévit un dangereux tueur qui aime jouer avec ses victimes, les tuer, et même avoir des relations sexuelles après la mort de ses proies. Alors lorsque la vieille voiture de Vanessa tombe en panne au bord de la route, c’est sourire aux lèvres qu’un Grand Méchant Loup s’arrêtera sur l’épaule de notre petit chaperon : Bob Wolverton (notez la phonologie du nom).
Il est indéniable que Freeway est une sorte de remake noir et moderne du petit chaperon rouge. Ici notre petit chaperon est une jeune fille profondément antipathique et asociale; brutale et qui en a tant bavé que plus rien ne l’impressionne. Et on devine bien vite ainsi que notre Loup prendra de vitesse Vanessa et tendra un piège mortel; sans se douter que sont à ses trousses deux policiers bien décidés à lui mettre la main dessus, et qui prendront ici le rôle des chasseurs du conte.
Le plus impressionnant dans Freeway, est sans doute le comportement de cette Vanessa au casier et au coeur chargés. Prête à tirer du regard sur qui ose s’aventurer trop loin dans son trouble passé. Dans ces horreurs qu’a pu lui faire son père, ou dans les familles d’accueil sans compassion qui ont pu se servir d’elle par le passé. Et pourtant notre Loup, psychologue de profession, mettra le pied dans ce sombre marais; mettant grade par grade en confiance l’adolescente. Jusqu’à arriver au point de non-retour : là où le marais vous engloutit et vous détruit sans remords.
Le film se découpe en plusieurs parties. La première est toute la mise en place qui décide notre adolescente à prendre la voiture. Puis l’arrivée du Loup et la longue phase durant laquelle l’adolescente ne se rend pas réellement compte de à qui elle s’adresse. Elle se laisse border, conseiller, mener; sans dire mot. Et quand la désillusion prend place, Vanessa lâche sa rage sur le loup. Ce serait comme lui avoir tendu des pièges à loup le long de la route du raccourci. On assiste alors à la descente de notre Loup dans de noirs enfers. Défiguré à jamais, paralysé de certains membres, détruit. Et il passe alors pour une victime, et c’est toute une chasse contre le chaperon qui est lancée. Oui, pendant quelques moments les rôles s’inversent. Jusqu’au moment fatidique où notre Loup fait comprendre qu’il n’était détruit qu’extérieurement; en entrant à pas de loup dans la maison de la mère-grand, du haut de son sourire aiguisé.
De la même manière que le ferait un Hard Candy, Freeway tend à nous faire apitoyer sur le méchant, et à remettre en cause notre compassion pour les gentils. Et même si ces doutes ne sont qu’illusoires, ils n’en sont pas moins palpables : “Pourquoi alors que l’héroine est méchante, sans pitié et violente, continuons-nous à tout lui pardonner sans se poser de question ?“. Toujours est-il que Matthew Bright a accompli ici un fier travail. Une photographie peut-être trop anodine, mais cela se pardonne du fait que le film commence à dater; et aussi du fait qu’on oublie vite ce détail, tant l’esthétique “intérieure” du film est bien présente.
Sans longueurs, le film nous mène au bout de l’autoroute où se trouve espérée lumière. Ne reste qu’à se convaincre que le chemin et les débauches qui y ont menées, sont facilement oubliables et pardonnables. Notre chaperon est avant tout du côté des méchants à sa façon, et n’hésite pas à faire couler le sang quand quelqu’un tenterait de mettre un barrage à son chemin. Oui, à bien y réfléchir, il n’y a pas de gentils dans Freeway. Et sans doute, que cela fait parti de son charme.