Autopergamene
Nine Inch Nails
article🇫🇷 françaisPublished 2009-06-25MusicReview18mn to read

À artiste complexe, article complet. Il faut comprendre qu’il y a énormément de choses à dire sur ce groupe, sa musique et ce qui l’entoure, tant et si bien que tout résumer à quelques paragraphes serait une insulte. Voilà pourquoi cet article est long, c’est le prix à payer pour combler ce petit trou intriguant dans votre culture musicale. Si les détails ne vous intéressent pas, sautez au paragraphe rouge suivant pour lancer la liste de lecture. Ou alors lancez la liste de lecture et lisez l’article en même temps, c’est une bonne idée aussi.
Nine Inch Nails
She spreads herself wide open, to let the insects in. She leaves a trail of honey… to show me where she’s been. She has the blood of a **Reptile** - just underneath her skin, Seeds from a thousand others drip down from within. Devils speak of the ways in which she’ll manifest, Angels bleed from the tainted touch of my caress. Need to contaminate, to alleviate, this loneliness ; I now know the depths I reach are limitless.
Il y a des groupes comme ça de temps à autres qui une fois que l’on commence à les écouter se révèlent être radicalement différents de l’image que l’on avait d’eux avant de les connaître réellement. Pendant très longtemps j’avais gardé du nom « Nine Inch Nails » une image furieusement violente et étrangement gore, pour plusieurs raisons mais principalement parce que sans connaître on suppose qu’un groupe qui porte un tel nom se doit d’en assurer la réputation derrière. L’autre raison comme pour beaucoup de monde sur Nofrag c’est que NIN c’est avant tout ce fameux logo sur les munitions de clous dans Quake — j’ai d’ailleurs été bien surpris des années plus tard en apprenant qu’il n’y avait là aucune coïncidence, Trent Reznor ayant été le compositeur principal pour Quake.
Quake
J’avais déjà essayé à une époque de me plonger dans le groupe, c’était à la sortie des fameux Ghosts. Malheureusement déjà pris dans la découverte d’un autre artiste j’ai vaguement posé mes oreilles sur ces quatre pièces instrumentales et en ressortant rapidement confus j’ai supprimé les Ghosts de mon disque dur et n’y ai plus repensé. Et puis il y eut cet article, qui d’une grande baffe dans la gueule m’a ordonné de retourner au boulot et d’écouter enfin ce Nine Inch Nails de manière à ce que j’arrête de fantasmer indéfiniment sur ce qu’était réellement ce groupe. J’ai pris Broken, me suis lancé dedans le lendemain sans trop savoir de quoi il retournait, et j’en suis ressorti les oreilles pleines de sang et le sourire aux lèvres. Alors qu’au rythme de la puissance mécanique de Last, tapaient mes pas, je venais d’effleurer du doigt un univers bien plus vaste que ce que peuvent décrire deux ou trois albums.
God money’s not looking for the cure. God money’s not concerned with the sick among the poor. God money lets go dancing on the backs of the bruised — No, God money’s not one to choose. No you cant take it ! No you cant take, that away from me… **Head Like a Hole.** Black as your soul. I’d rather die, than give you control. Bow down before the one you serve. You’re going to get what you deserve. […] You know who you are.
Nine Inch Nails c’est principalement deux choses. D’une, comme le dit l’expression, Trent Reznor is Nine Inch Nails. Crée vers la fin des années 80, NIN est un groupe qui même s’il est constitué de musiciens qui vont et viennent d’une année à l’autre, n’a pour seul et unique pilier que Trent Reznor. Sans vouloir tout lui créditer comme s’il était dieu le père, étant auteur et compositeur des morceaux du groupe, étant l’origine de l’âme industrielle et de l’atmosphère sale qui entoure les morceaux, étant [etc] on peut aisément dire que Nine Inch Nails, c’est un one-man band.
Ensuite, NIN c’est un groupe qui est en évolution constante. On retrouve des similitudes entre les albums, mais il n’y en a pas deux qui soient identiques. Le tout premier véritable album du groupe, Pretty Hate Machine est sans doute celui qui à ce jour m’évoque le plus le côté « électronique » du groupe. Sans que ce soit quelque chose d’horriblement exagéré, cela reste à cent lieues de la la violence des guitares qui jailliront sur Broken. On sent aussi sur ce premier album l’embryon de ce que deviendront plus tard les deux aspects de Nine Inch Nails : des pistes très violentes et fortes (Head Like a Hole) et d’autres très calmes à fleur de peau (Something I can Never Have). Ce n’est pas vraiment mon album favori, j’en apprécie les pistes mais comme je l’ai dit à mes yeux ce qui est sur cet album n’est pas encore poussé dans les extrêmes. Quand je pense à Nine Inch Nails et à ce que j’adore dans ce groupe, ce sont des morceaux très violents à grands coups de bruits mécaniques, industriels, de noise, de déconstruction, de riffs secs ; et d’un autre côté des pistes douces, du piano, des mélodies, des ambiances nocturnes, en un mot Le Calme avec un grand C.
Nine Inch Nails c’est une musique qui parle tout en dualité, et même si seule la fraction violente des albums est perceptible lors des concerts, résumer NIN à cela serait être gravement dans l’erreur. Cette partie violente parlons-en. Sorti en 1992, Broken est une rupture on ne peut plus radicale avec Pretty Hate Machine. Oubliez les batteries sorties de Cubase et le côté « musique électronique de 89 », sur Broken on sort sa bite et sa guitare et on lacère les gens à coups de puissance. Cet album c’est la preuve même que par trois simples accords on peut transmettre plus de rage que n’importe quelle speed solo — à ce jour j’ai beau y mettre toute mon âme je n’arrive toujours pas à donner autant de force au riff de Last que Trent Reznor n’en donne. Si je devais parler des morceaux qui m’ont marqué sur cet album - déjà court en soi - je dirais avant tout Physical et sa lente montée vers la colère (your dangerrrrr[rugissement]). Cette reprise de Billy Idol commence doucement tout en murmures et dès le deuxième refrain les chiens sont lâchés et rien ne va plus. C’est un morceau que j’aime utiliser pour introduire les gens aux groupe. Déjà, car il pose les premiers pas dans ce tant nommé « Industrial » qui étiquette le groupe — sons mécaniques, guitare régulière, sur-saturation, bruits parasites et samples divers. Ensuite, il monte doucement ce qui évite que les gens décrochent dès les premières secondes, contrairement à d’autres de mes morceaux favoris de cet album tels Last ou Wish qui feraient fuir les non initiés. Souvent dans Nine Inch Nails quand un morceau commence ou finit on ne prévient pas (et c’est particulièrement vrai sur l’album suivant). Ça reste en tout cas à mes yeux un de mes albums favoris et des plus écoutés, avec The Downward Spiral et The Fragile. Bref, un peu comme une bonne partie des fans de ce groupe.
Et il est un jour arrivé, Marteler le ciel, Et marteler **La Mer**. Et la mer avait embrassé moi, Et m’a délivré moi de ma cellule. Rien ne peut m’arrêter maintenant.
Mine de rien je prends énormément de plaisir à poster ces pochettes parce que même si on fait tous mine de dire le contraire (« l’important c’est le contenu ! ») avoir un bel album au sens propre sur son étagère c’est toujours la classe. Alors imaginez, en avoir douze, alignés soigneusement, évoluant dans un univers à mi-chemin entre abstraction, crasse et calme, c’est le bonheur. L’architecture artistique de Nine Inch Nails est très poussée et dans l’ensemble cohérente puisqu’elle reprend souvent les mêmes thèmes et esthétiques. On la doit majoritairement à deux hommes, premièrement Russel Mills (The Beauty of Decay) qui commença à travailler avec Nine Inch Nails à partir de 1994 et contribua énormément en apportant au monde de NIN cette touche de saleté, rouille et décrépitude qui sied si bien à l’industrial. En un sens, que ce soit l’univers graphique ou musical, c’est un groupe qui à mes yeux se rapproche énormément d’Akira Yamaoka à travers tout le travail qu’il a fait en créant l’univers sonore et musical de Silent Hill — un mélange de violence et de calme, de salissure et de brouillard lisse et aphone. La seconde personne à qui l’ont doit Nine Inch Nails tel qu’on le perçoit visuellement de nos jours c’est l’inévitable Rob Sheridan. Si vous n’avez jamais vu son travail autour des Ghosts, je vous conseille le recueil de photographies qui était dans l’édition Deluxe de Ghosts et qui est disponible en pdf sur le site officiel. Et puis dans l’ensemble ce cher monsieur nous délivre de belles images alors je vous redirige vers son portofolio. Fin de la digression.
Sorti en 1994, The Downward Spiral est sans doute – de nom – l’un des albums les plus connus de Nine Inch Nails. Mais de quoi ça parle concrètement ? Et bien comme son nom l’indique d’une spirale descendante ; c’est la période (de 94 à 99) durant laquelle Trent Reznor a commencé à prendre énormément de drogues, à se laisser aller, à vivoter, et à descendre petit à petit jusqu’à ce que sa vie touche le fond. C’est ce qui explique le trou béant entre The Downward Spiral (1994) et The Fragile (1999). Mais de quoi ça parle musicalement ? Musicalement TDS est unique, il reprend la violence d’un Broken mais la pare de tant d’abstraction sonore qu’elle en est méconnaissable… je pense que ceux qui ont écouté l’album compagnon « Further Down the Spiral » se souviennent encore s’être gratté la tête devant les étranges et brutales dix minutes de « The Art of Self-Destruction III ». C’est vraiment un univers très « industriel » au sens propre cette fois, par exemple avec Reptile et ses sons de pistons, de plaques de fer s’entrechoquant, ses enregistrements de sirènes d’usine simulant les cris d’un lézard, et j’en passe. La guitare aussi semble être passée dans un hachoir et en est ressortie vidée de ses basses, c’est ce qui donne ce côté froid et sec de morceaux comme Mr. Self Destruction ou Ruiner. On est loin des basses grognantes d’un Broken, je pense que personne ne peut le nier. Bien sûr ces pistes ne sont pas abandonnées de leur contreparties calmes ; même si la dualité du groupe éclora véritablement sur The Fragile, on retrouve, avec des pistes comme A Warm Place, The Downward Spiral ou la désormais célébrissime Hurt, des plages plus douces dans lesquelles se reposer entre deux descentes brutales au fond d’une usine sombre.
Pour revenir rapidement sur le terme « d’album compagnon » évoqué plus tôt, il faut savoir que Trent Reznor est quelqu’un qui n’hésite pas à laisser ses morceaux être remixés, remaniés par d’autres et qui prend plaisir à le faire lui-même. Voilà pourquoi à chaque sortie d’un album correspond un album compagnon contenant des remixes. Cependant, si cela semble ridicule dans l’idée c’est sans doute parce que vous avez en tête une image très techno du terme « remix ». Dans le petit monde de Nine Inch Nails remixer un morceau c’est bien souvent repartir de zéro, détruire et reconstruire, mélanger, mixer, réduire et agrandir s’il le faut. La plupart du temps si les titres n’étaient pas précisés sur les albums compagnons ils seraient méconnaissables car totalement réinventés. Voilà pourquoi souvent ces disques compagnons sont des indispensables à l’écoute de l’album. Pas toujours, parfois ces remixes sont de mauvaise facture c’est un fait, disons simplement que si vous avez aimé un des albums de Nine Inch Nails et souhaiteriez en avoir plus du même univers, se diriger vers l’album compagnon est une bonne idée.
The Fragile, datant de 1999 comme je l’ai dit précédemment, est en réalité un double album décomposé en « The Fragile (left) » et « The Fragile (right) ». Je ne saurai dire si ces deux parties connaissent vraiment des différences étant donné qu’elles sont regroupées en un seul et même album dans ma bibliothèque. C’est un peu comme les quatre volumes des Ghosts, on ne sait pas sur quoi est basée la découpe des pistes, on sent une subtile différence d’ambiance, mais sans jamais réussir à mettre le doigt dessus. Je ne vais pas mentir, The Fragile est mon album favori de Nine Inch Nails, toutes périodes et tous styles confondus. C’est celui qui à mes yeux est le témoin le plus probant de toute la bipolarité de Trent Reznor, entre la violence verbale et musicale d’un « Starfuckers, Inc. » ou « The Big Come Down » et le calme serein et rieur d’un « La Mer » ou « The Frail ». Ce sont deux mondes qui s’opposent et c’est merveilleux à regarder. Bien sûr, The Fragile ce ne sont pas que des pistes cultes, je dirais même loin de là, mais c’est l’ensemble formé que j’aime. On retrouve aussi dans The Fragile une évolution évidente au niveau de la complexité des pistes ; si les morceaux de la fameuse « Broken Era » sacrifient la richesse musicale pour la puissance, ce n’est plus le cas à partir de The Downward Spiral, avec ma petite Reptile, The Fragile (le morceau pas l’album) et j’en passe. Je ne dis pas qu’il y a deux-cent ponts et trente changements de thèmes, mais ça va au-delà du refrain/couplet/refrain et c’est toujours appréciable.
Enfin voilà, ce n’est qu’un avis comme il y en a tant et il est toujours difficile de juger un album isolé quand on est habitué à écouter l’artiste dans son ensemble. Avec du recul plus j’écris de mots dans ce paragraphe et plus je me dis que mon impression sur cet album n’est pas forcément vraie. En tout état de cause, The Fragile reste un bel album qui est souvent conseillé comme « premier album » quand on commence Nine Inch Nails.
And All That Could Have Been et Still sortis en même temps en 2002, font sans doute partie des lives les plus célèbres de Nine Inch Nails, sans doute parce que AATCHB c’est avant tout un DVD. Souvent les gens se demandent ce que peut donner un groupe tel que celui-ci en concert. Il faut savoir que ce qui se passe en général, c’est que Trent Reznor reprend ses pistes et les réarrange spécialement pour qu’elles soient jouables sur scène, ce qui n’est pas toujours évidement compte tenu de l’importance de l’environnement sonore dans la plupart des pistes. Heureusement ce que l’on perd en atmosphère, Nine Inch Nails le compense en force — les concerts de ce groupe ce sont des concerts avec de grosses paires de couilles, d’autres groupes qui viennent jouer, des jeux de lumière qui tâchent et des gens qui bougent la tête, beaucoup.
Les rares morceaux calmes qui sont joués en revanche ont le mérite de ne pas être massacrés. Pour vous donner une idée, voici deux vidéos (en HD s’il vous plaît) : The Fragile de l’album du même nom, qui est vraiment un superbe morceau alternant passages posé et fort. Juste en-dessous, son opposé radical avec Wish en duo avec le Dillinger Escape Plan (Coldplay n’a pas pu venir). Attention, la seconde vidéo montre une bande de poilus s’astiquer le manche et Trent Reznor se jeter sur une batterie — c’est un morceau de la période Broken, bref, vous êtes prévenus, ce sont deux morceaux totalement antagonistes. Trent Reznor, c’est le mec musclé avec la grosse voix et sa guitare. Vous pouvez mettre en plein écran et cocher « HD » en haut à droite, la qualité est superbe (vidéos offertes grâcieusement par Trent himself, filmé par Rob Sheridan).
Mais AATCHB c’est aussi son disque compagnon « Still ». Quasiment tout instrumental excepté une pincée de pistes, c’est sans doute à ce jour l’un des albums les plus calmes jamais faits par Nine Inch Nails. Il est très court (puisque c’est un disque compagnon) mais trouve vraiment sa place en tant qu’interlude entre deux albums. On y retrouve aussi des sonorités et mélodies qui plus tard seront reprises dans les Ghosts, avec par exemple le fameux « xylophone de Trent » dont se moquaient certains mais qu’il utilise souvent (La Mer, Adrift and at Peace, 21 Ghosts III, etc) et que j’aime bien personnellement. Je sais que j’arrête pas de vous parler des Ghosts mais on y arrive bientôt.
You’re keeping in step - in the line. Got your chin held high, and you feel just fine. ’Cause you do… what you’re told But inside your heart it is black and it’s hollow and it’s cold. Just how deep do you believe ? Will you bite **The Hand That Feeds** ? Will you chew until it bleeds ? Can you get up off your knees ? Are you brave enough to see ?
C’est sans doute la période du groupe à laquelle j’ai la moins accrochée, par son côté trop conventionnel sans doute, mais With Teeth (2005) contient tout de même son lot de bonnes pistes et malgré un côté un peu trop « rock classique » on a tous au moins une piste favorite dans ce petit bazar. Je ne pense pas me tromper en disant que With Teeth est à part, étant donné que c’est même l’un des seuls albums à ne pas avoir de disque compagnon. Je ne saurais le décrire précisément mais il est différent, c’est tout.
Bien heureusement après ce petit interlude, Trent Reznor s’est rendu compte qu’il s’emmerdait alors il a décidé de partir dans un délire complètement disproportionné et c’est ainsi que naquit l’univers de Year Zero (2007). Year Zero ce n’est pas simplement un album, c’est un ensemble de choses. Déjà, c’est un buzz construit progressivement à partir d’indices laissés, et quand je parle d’indices je parle d’indices bien tordus à la Nine Inch Nails avec une histoire de clé usb laissée avec dessus une morceau de musique qui à la fin contenait du bruit blanc et l’analyse de ce bruit blanc révélait une forme (rien que ça). Cette forme, « La Présence » (sur la pochette à droite) est elle-même un élément/personnage de toute une « mythologie » construite autour de Year Zero se déroulant dans un futur alternatif en 2022 (ou année 0000). Il y a un jeu qui accompagne l’album, et les pistes elles-mêmes racontent une histoire. Il y a vraiment énormément de choses autour de Year Zero cependant comme c’est un des derniers albums que j’ai écoutés (chronologiquement) je n’ai jamais vraiment eu le temps de me pencher sur tout ça avant l’article.
Musicalement, Year Zero est à des kilomètres, expérimentalement parlant, de With Teeth. Déjà, futur oblige, tout est essentiellement construit par musique sur ordinateur. Enfin, c’est assez complexe à décrire mais il y a ce degré d’électronique savamment dosé qui fait que le rendu semble et sonne moins artisanal. Les ambiances et structures semblent aussi sortir d’on ne sait où (The Warning anyone ?). C’est à mes yeux un album complètement extra-terrestre dans la discographie de Nine Inch Nails, tant par ce qui l’entoure que par ce qu’il contient.
Les « Ghosts » de Trent Reznor c’est un peu la preuve que ce groupe a une capacité sans faille à se renouveler lorsqu’il semble dans une impasse. Débarqués alors que strictement personne ne soupçonnait jusqu’à leur existence, les Ghosts se découpent en quatre volumes de neuf pistes chacun. Ce sont quatre albums uniquement instrumentaux et je le précise parce que c’est la donnée qui a le plus surpris les gens à leur sortie. L’histoire de ces Ghosts est assez amusante — en 2007 après de bons et loyaux service, Nine Inch Nails annonça qu’ils avaient complété leur contrat avec Interscope Records et que donc techniquement parlant ils étaient « libres ». Trent Reznor a alors ressorti du placard un projet de longue date qu’il n’avait jamais eu le temps de mettre en place : s’enfermer dix semaines en studio, sans idée précise en tête ou rien, juste composer, improviser et construire un album au fur et à mesure jusqu’à ce qu’en aboutisse quelque chose, sans savoir quoi avant de l’avoir fini. Au final sa petite expérience se déroula on ne peut mieux puisque ce qui devait être à la base un court EP instrumental se révélera au final un beau morceau de quarante pistes.
Ce qui a fait la force des Ghosts à leur sortie et ce qui a fait parler d’eux c’est aussi leur mode de distribution. Ce fut la première incursion de Nine Inch Nails dans la distribution numérique, souvenez-vous, le premier volume des Ghosts était offert gratuitement en torrent et les autres volumes étaient disponibles en plusieurs packs. Cela allait des trois albums simples sans artifices à 5€, à l’édition Deluxe comprenant boîtier, recueil de photos, et j’en passe. C’est à la même période que Radiohead a sorti son album « payable à n’importe quel prix ». La preuve que la manœuvre a fonctionné, grâce sa disponibilité à faible prix (5€ les quarante pistes quand même), les Ghosts de Trent Reznor devinrent l’album le plus vendu de l’année 2008 sur Amazon.
Maintenant, il est difficile de décrire ce que musicalement contiennent ces quatre volumes. En deux réactions, au début c’est la surprise, après c’est le charme. Tout est construit à partir d’un ensemble de sons et d’instruments dont vous ne soupçonnez même pas l’existence comme la Marimba ou le Dulcimer des Appalaches. De la guitare bien sûr, des percussions, et on retrouve tout le panel de sons mécaniques/industriels qui sont la patte de Nine Inch Nails. La plupart de ces Ghosts sont relativement courts cependant, avec une moyenne de deux/trois minutes. C’est vraiment ce que le nom laisse entendre : un amas d’entités différentes à peine discernables. Ce qui est intéressant aussi dans ces Ghosts c’est toute l’identité visuelle qui a été construite autour, avec le recueil que je vous ai montré tout à l’heure, le site web, la pochette, etc. Tout est simple, vidé, épuré – des paysages figés et décolorés jusqu’à en devenir irréels. Bref, de quoi faire faire des cauchemars à Olipro.
Ce n’est pas le projet ultime de Nine Inch Nails, il est même loin de faire l’unanimité, mais ne serait-ce que pour la démarche créative, pour l’univers esthétique, pour sa distribution et pour le fait que chacun y trouve son compte en cherchant bien, il mérite droit de citer.
The Slip a ainsi continué dans la voie tracée par les Ghosts et a été distribué gratuitement sur Internet, sachant que c’est quand même l’album pilier de la tournée 2008/2009 ce n’est pas rien. Il n’y a pas grand chose à dire dessus, vingt ans plus tard le style de Trent Reznor n’a eu de cesse de muer tout en retenant les éléments les plus signifiants de chaque étape au fil de son parcours, et à l’heure actuelle il est encore trop tôt pour juger The Slip. Avec plus de recul, plus tard, lorsque l’on saura l’étape qui suivra.
J’ai beaucoup parlé de Nine Inch Nails musicalement mais il y a aussi de nombreux clips qui comme pour chaque artiste valent le coup d’œil. J’aurais pu aussi parler plus en détail de la bande originale de Quake, mais ça c’est autre chose. En dernière note, si vous ne vous y êtes jamais intéressé, il y a une application Nine Inch Nails extrêmement complète qui permet de savoir les dates des tournées à venir, de savoir s’il y a des fans de NIN dans les alentours mais surtout oh oui surtout, d’écouter gratuitement en streaming tous les albums du groupes, les remixes, les singles et j’en passe. Tant de contenu pour une application gratuite, ça serait une erreur de passer à côté. Et sinon, la plupart des albums de NIN sont sur Spotify.
La Playlist
Comme à chaque article de musique que je fais, je vous quitte avec une version sonore de l’article — on y retrouve des pistes dont j’ai parlé, plus d’autres, c’est une sorte de survol du groupe. J’ai sélectionné deux pistes par album, sauf exceptions et ou petites surprises. Comme Deezer n’est pas compatible avec les blogs Wefrag voici une version écrite de la liste de lecture — cliquez sur l’image « Nine Inch Nails » en-dessous pour lancer la lecture.
Ma liste est composée de quatre « tiers » de sept pistes chacun. Quatorze morceaux doux, quatorze morceaux forts — comme ça il y en a pour tout le monde. Le fonctionnement par tiers fait que c’est une liste qui évolue au fil de son déroulement : si vous commencez et trouvez ça trop lent, vous attendez. Si vous commencez et trouvez ça trop violent, vous attendez. Vous pouvez sauter des pistes, je ne vous sangle pas à une chaise avec un casque dans les oreilles, simplement gardez en tête que si vous n’aimez pas une piste, c’est pas bien grave il y en a plein d’autres. C’est tout ce que je veux que vous ayez comme état d’esprit : un artiste ne se résume pas à une piste ou un album, jugez quand vous aurez tout écouté… la liste fait la taille d’un album, un peu moins de deux heures. Si au bout de cet album « condensé » vous n’aimez pas alors là c’est différent, c’est votre droit. Si au bout de deux pistes vous venez clamer que c’est de la merde, je vous saigne comme une truie. Il se peut que le player Deezer saute des pistes, en cas faites F5 et reprenez là où vous étiez. J’y peux rien, si vous avez mieux à proposer pour présenter de la musique, je suis preneur.
— Tier I : La Mer (quiet) — 36. Ghosts IV (de Ghosts IV) And All That Could Have Been (de Still) Reptile (de The Downward Spiral) Echoplex (de The Slip) La Mer (de The Fragile) Just Like You Imagined (de The Fragile) Sunspots (de With Teeth)
— Tier II : The Big Come Down (heavy) — Physical (de Broken) Last (de Broken) The Big Come Down (de The Fragile) 04. Ghosts I (de Ghosts) Starfuckers, Inc. (de The Fragile) Head Like a Hole (cover de Still Remains, morceau original de Pretty Hate Machine) Meet Your Master (acoustic) (de Quiet, morceau original de Year Zero)
— Tier III : Lights in the Sky (quiet) — Adrift And At Peace (de Still) Something I Can Never Have (de Pretty Hate Machine) Lights in the Sky (de The Slip) The Great Below (de The Fragile) Leaving Hope (acoustic) (de Quiet, morceau original de Still) Hurt (de The Downward Spiral)
— Tier IV : The Art of Self Destruction (heavy) — The Art of Self-Destruction III (de Further Down the Spiral) The Beginning of the End (de Year Zero) 10. Ghosts II (de Ghosts II) Love Is Not Enough (de With Teeth) Quake Theme (de la bande originale de Quake) 27. Ghosts III (de Ghosts III) Eraser (Polite) (de Further Down the Spiral) The Frail (de The Fragile)
12 Ghosts II — tiré du recueil de photos « Ghosts »