Autopergamene

Mai 1965
28 photos
15 years ago
Sans doute dois-je manquer de chance, mais à chaque fois que j’y vais il pleut. C’est sans doute un peu plus évident à chaque article que je fais, mais je me rends compte progressivement de cette intérêt que j’ai pour la désolation dans mes photos ; pour autant que j’apprécie prendre de vastes paysages, rien ne me satisfait plus qu’un bâtiment en ruines dressé hors du sol avec la grâce d’une épave hors de l’eau. Je pense que ça vient d’un ensemble de facteurs, mais sans doute principalement déjà du fait que je suis fasciné par le passé, par comment les gens vivaient vingt, cinquante, cent ans avant moi et ce à quoi leur quotidien et le monde ressemblait réellement par-delà les filtres sépia et les grandes dates. En découle ma démarche de prendre en photos friches et lieux intemporels — j’ai toujours l’impression de ne pas seulement capturer un quelque lieu mais d’emporter avec moi les mille milliers d’histoires muettes qui en formes et couleurs transparaissent d’elles-mêmes dans l’image finale. Cela explique aussi mon utilisation (sans doute abusive j’en ai conscience) de virages bleus et verts, ça donne au tout un cachet qui extirpe l’image du contexte présent et la place inconsciemment dans le passé. Sans vraiment que cela soit une époque définie, j’ai simplement l’impression que mes images ont l’allure d’images de décennies bien avant nous, et secrètement j’aime ça. Ça m’a fait plaisir de revoir là-haut des gens que je voyais chaque semaine quand j’étais gosse, et que maintenant j’ai progressivement perdu de vue malgré moi. Certains en sont méconnaissables, d’autres sont restés fidèles à eux-mêmes – l’endroit pour sa part est visuellement resté ancré dans son époque et ce sans doute pour longtemps encore. Le concert du samedi était sympa, variait selon le public visé et même si ma nuit blanche de la veille m’empêchait de vraiment apprécier quoi que ce soit à deux heures du matin, j’ai passé un bon moment. La seconde journée était beaucoup plus destinée à la génération d’avant (voire celle d’encore avant), à coups d’accordéons et de long diner dans des tentes sous la pluie… au final le moment le plus mémorable fut celui de m’échapper avec un pote pour prendre un plan large du hameau en grimpant à une colline un brin raide. Sur le chemin du retour je me suis arrêté plusieurs fois pour prendre des photos, même sous la pluie. Ce sont de longues rouges étroites et sinueuses, où je souvent je roule seul – pas une voiture à des kilomètres à la ronde, ce pendant une heure de route. Personne n’est là pour se soucier de si je m’arrête en plein milieu pour prendre la montagne embrumée d’en face, et ça ça n’a pas de prix. Je crois que j’ai tellement traîné dans les villes et petits villages de l’immédiate côte que partir loin m’enfoncer entre les montagnes est juste ce qu’il me manquait pour dépoussiérer mon appareil. Ça fait cinq mois que je n’avais rien photographié, ça m’a quand même fait plaisir de m’y remettre et dans le fond malgré moi je sais que ça me manque.

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Sans doute dois-je manquer de chance, mais à chaque fois que j’y vais il pleut. C’est sans doute un peu plus évident à chaque article que je fais, mais je me rends compte progressivement de cette intérêt que j’ai pour la désolation dans mes photos ; pour autant que j’apprécie prendre de vastes paysages, rien ne me satisfait plus qu’un bâtiment en ruines dressé hors du sol avec la grâce d’une épave hors de l’eau. Je pense que ça vient d’un ensemble de facteurs, mais sans doute principalement déjà du fait que je suis fasciné par le passé, par comment les gens vivaient vingt, cinquante, cent ans avant moi et ce à quoi leur quotidien et le monde ressemblait réellement par-delà les filtres sépia et les grandes dates. En découle ma démarche de prendre en photos friches et lieux intemporels — j’ai toujours l’impression de ne pas seulement capturer un quelque lieu mais d’emporter avec moi les mille milliers d’histoires muettes qui en formes et couleurs transparaissent d’elles-mêmes dans l’image finale. Cela explique aussi mon utilisation (sans doute abusive j’en ai conscience) de virages bleus et verts, ça donne au tout un cachet qui extirpe l’image du contexte présent et la place inconsciemment dans le passé. Sans vraiment que cela soit une époque définie, j’ai simplement l’impression que mes images ont l’allure d’images de décennies bien avant nous, et secrètement j’aime ça. Ça m’a fait plaisir de revoir là-haut des gens que je voyais chaque semaine quand j’étais gosse, et que maintenant j’ai progressivement perdu de vue malgré moi. Certains en sont méconnaissables, d’autres sont restés fidèles à eux-mêmes – l’endroit pour sa part est visuellement resté ancré dans son époque et ce sans doute pour longtemps encore. Le concert du samedi était sympa, variait selon le public visé et même si ma nuit blanche de la veille m’empêchait de vraiment apprécier quoi que ce soit à deux heures du matin, j’ai passé un bon moment. La seconde journée était beaucoup plus destinée à la génération d’avant (voire celle d’encore avant), à coups d’accordéons et de long diner dans des tentes sous la pluie… au final le moment le plus mémorable fut celui de m’échapper avec un pote pour prendre un plan large du hameau en grimpant à une colline un brin raide. Sur le chemin du retour je me suis arrêté plusieurs fois pour prendre des photos, même sous la pluie. Ce sont de longues rouges étroites et sinueuses, où je souvent je roule seul – pas une voiture à des kilomètres à la ronde, ce pendant une heure de route. Personne n’est là pour se soucier de si je m’arrête en plein milieu pour prendre la montagne embrumée d’en face, et ça ça n’a pas de prix. Je crois que j’ai tellement traîné dans les villes et petits villages de l’immédiate côte que partir loin m’enfoncer entre les montagnes est juste ce qu’il me manquait pour dépoussiérer mon appareil. Ça fait cinq mois que je n’avais rien photographié, ça m’a quand même fait plaisir de m’y remettre et dans le fond malgré moi je sais que ça me manque.

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